Les deux Siciles

Entre 1824 et 1830 mon aïeul Jean François Calixte de Pina de Saint-Didier a été maire de Grenoble, sa ville d’origine. A ce titre, il a donc accueilli dans sa ville le roi et la reine de Sicile François Ier et son épouse Isabelle d’Espagne, lors de leur séjour en France à l’automne 1829, en route pour aller marier une de leurs filles avec le roi d’Espagne (une autre avait épousé quelques années plus tôt le duc de Berry, fils du roi de France). Le discours de réception manifeste bien les sentiments légitimistes de l’édile. Les archives familiales m’en ont transmis une partie, publiée au Moniteur Universel, et je ne peux m’empêcher de vous en faire part :

Sire, les petits-fils de Louis XIV ont des droits imprescriptibles à notre respect et à notre amour. Nous ne pourrons jamais oublier leur origine, ni les liens indissolubles qui les attachent à notre patrie et encore moins les vertus et la bonté qui distinguent cette illustre dynastie.
Sire, ce n’est donc pas seulement un auguste monarque que nous saluons aujourd’hui de nos vœux et de nos acclamations. Nous aimons aussi à révérer dans Votre Majesté l’un des premiers princes du sang de France, l’un des aînés de cette illustre maison… »

Portrait de Jean-François Calixte de Pina de Saint-Didier

Pour comprendre ce discours, il faut se rappeler que François Ier des Deux-Siciles était un descendant de Louis XIV par son petit-fils Philippe, duc d’Anjou, et appelé au trône d’Espagne en 1705, à la suite du décès de son grand-oncle maternel Charles II, car celui-ci est mort sans descendance.

Lorsque l’on respecte les lois fondamentales du royaume de France relatives aux questions de succession, connues comme la loi salique, la succession au trône de France se fait en lignée masculine, de père en fils.
Si un roi n’a pas de fils, c’est son frère qui lui succède, puis la descendance de celui-ci. C’est ainsi qu’à la chute de Napoléon, Louis XVIII, frère de Louis XVI, est monté sur le trône.
Si le roi qui meurt n’a pas de frère, on remonte sa lignée masculine et l’on voit si son père n’avait pas de frère dont la descendance masculine est en vie, puis son grand-père, etc. Henri IV a ainsi succédé à Henri III en 1589 car il était descendant d’un fils de saint Louis par sa lignée paternelle, et qu’il n’y avait plus de descendant mâle vivant pour les branches aînées des fils de ce roi.

Schéma simplifié de la descendance mâle de Henri IV

C’est la position des royalistes légitimistes, face aux orléanistes, partisans de la famille d’Orléans, descendante de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, qui déclare que Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, et aïeul de tous les descendants mâles en ligne directe de Louis XIV aurait de facto renoncé à ses droits à la couronne de France en acceptant le trône d’Espagne.

La question de la succession au trône de France aura sa place dans les débats politiques du XIXème siècle : dès 1830, lorsque Louis-Philippe d’Orléans, descendant de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, monte sur le trône suite à la Révolution de Juillet plus connue comme les Trois Glorieuses, alors que Charles X, son fils et son petit-fils sont encore en vie, et qu’il reste de nombreux autres descendants mâles de Louis XIV par leur lignée paternelle. Dans les années 1870, la question se reposera de façon active suite à la chute de Napoléon III, avant que la Troisième République ne soit totalement installée.

Mais revenons à mon aïeul et à sa réception des monarques des Deux-Siciles. Sa déclaration le place dans le camp des légitimistes, ce qui n’est pas étonnant pour un proche de Charles X. Il sera récompensé pour son accueil par le monarque italien qui le fera chevalier de l’ordre royal et civil de François Ier, que le roi a créé en 1829.

Dans l’arbre : Jean François Calixte de Pina de Saint-Didier – Armand François Calixte de Pina de Saint-Didier – Juliette Clémentine Françoise de Pina de Saint-Didier – mon arrière-grand-mère – ma grand-mère